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Unorthodox, ou une communauté meurtrie par la Shoah

“You have to go beyond clichés, beyond our projection on to what the life might be on a community like this.”

Maria Schrader, productrice de la série Unorthodox

Hasardez-vous à lire dans la plus grande impartialité le portrait d’une communauté marginale dont la structure s’oppose radicalement sur le plan traditionnel, culturel, mais aussi sur la façon de concevoir la place de chaque individu dans la société qui révolte plus particulièrement les défenseurs des droits des femmes à la vision occidentale moderne de la société.


“Every single rule that they decide was like an extreme interpretation of a Jewish law.”

Deborah Feldman


La communauté juive ultra-orthodoxe de Williamsburg, à la différence des autres communautés hassidiques, est constituée de Juifs pour la plupart descendants de survivants de la Shoah. Pour ces derniers, devenus encore plus radicaux après la Seconde Guerre mondiale selon le témoignage de Deborah Feldman, l’Holocauste serait une punition de Dieu dont l’unique issue pour se protéger et prévenir une éventuelle autre « catastrophe » comme le génocide des années 40, serait de créer cette communauté où les individus suivent les lois dictées par les rabbins des différents quartiers composant Williamsburg. Croire en l’existence de Dieu devient alors vivre dans la peur en permanence : la peur de décevoir Dieu, la peur de lui désobéir et la peur d’être puni.


Croyance naïve et excessive


Si ces craintes semblent irrationnelles et dictées par un radicalisme liberticide qui empêchent les Juifs de vivre, avec une éducation entièrement prescrite par les lois religieuses et coupée de tout contact culturel avec le monde extérieur à la communauté, il est difficile pour les ultra-orthodoxes de s’en affranchir. C’est sans doute la peur ajoutée à l’ignorance qui permet aux rabbins des communautés de continuer à exercer leur autorité sur les autres individus, bien que ces derniers soient aussi victimes de cette illusion puisqu’ils ne veillent à faire appliquer ces règles que dans la mesure où ils craignent une autre punition de Dieu. S’enfermer aveuglément dans une dévotion en respectant des lois qui, comme le précise Deborah Feldman, ne sont qu’une interprétation radicale des lois de la Torah, est-elle réellement la solution pour surpasser le traumatisme laisser par la Shoah ? Est-ce encore possible de transmettre aux enfants de la communauté que les Allemands sont tous des diables et démons, et qu’Hitler ne montrait jamais ses pieds car ces derniers étaient des pattes de poules ?


Mais pour éviter de croire naïvement à ces histoires complètements folles, et de rester enfermés dans l’ignorance, « Il suffirait que les membres de la communauté ultra-orthodoxe s’informent davantage » me dirait vous. Par Internet par exemple ? Mais, encore faudrait-il qu’ils aient accès à Internet…


En effet, comme l’illustre une scène d’Unorthodox dans laquelle la jeune Esty se retrouve face à un ordinateur sans savoir comment l’utiliser, la communauté hassidique de Williamsburg ne possède pas accès à Internet. Cette scène symbolise l’ignorance de la communauté. Ce qui est très intéressant, au-delà du fait que la jeune femme découvre qu’à une question il n’existe pas une unique vérité tranchée et que c’est à elle d’en décider, c’est que la question tapée par Esty dans le moteur de recherche repose sur l’existence de Dieu. Ceci révèle combien la vie de la jeune femme est caractérisée par l’omniprésence de la religion.


Ainsi, il est impossible pour ces Juifs ultra-orthodoxes de réaliser qu’ils sont victimes d’une interprétation radicale et erronée des choses de la vie, interprétations qui paraissent absurdes pour les étrangers à la communauté.




Le rapport au corps


Par ailleurs, l’ignorance est aussi perceptible au travers des relations entre l’homme et la femme qui, l’un comme l’autre, ignore aussi bien le corps du sexe opposé, que son propre corps. Dans le deuxième épisode de la série, Esty reçoit une éducatrice qui lui enseigne son rôle « de femme » après son mariage : la jeune femme ignore tout des relations sexuelles et des caractéristiques du corps féminin. Elle pense qu’elle ne possède pas de « trou » pour avoir une quelconque relation avec un homme.


Le devoir de reconstruire la communauté juive après la Shoah, imprégné dans les mentalités des générations depuis la Seconde Guerre mondiale

La dimension mémorielle de l’Holocauste qui touche la communauté est présente dans une des scènes d’Unorthodox qui montre Esty, arrivée en Allemagne, faire sa première échographie et se voyant proposer par le médecin la solution de l’avortement qu’elle refuse. Cette décision de l’héroïne montre combien la structure de cette communauté est imprégnée et façonnée par le souvenir de l’extermination des six millions de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Chaque individu construit son identité autour du souvenir et de la mémoire de l’Holocauste. Dès lors, il incombe à chacun le devoir de reconstruire la communauté : les femmes doivent absolument donner naissance à des descendants. Ces dernières ne vivent que par leur dévotion absolue à leur foyer, faute de n’avoir pour la plupart le droit de pratiquer une profession ou un art. Mais il est important de nuancer ceci car bien qu’une majorité de femme ultra-orthodoxe n’exerce de profession, il existe des exceptions comme la juge ultra-orthodoxe Rachel Freier. Ces femmes ne sont perçues à travers le regard des étrangers à la communauté que comme étant des « machines à bébés ».


Lorsque la question de l’avortement est abordée dans la fiction, celle-ci apparaît surtout comme étant principalement liée au devoir de reconstruire la communauté et non comme une question d’éthique religieuse. L’IVG reste par ailleurs prohibée dans la branche orthodoxe du judaïsme, plus conservatrice, ce qui diffère des Juifs non orthodoxes et de la diaspora judaïque, favorable à l’avortement dans des circonstances autres que celles où le pronostique vital de la mère est engagé.


“I don’t think this story is about the existence of God or something like that. It’s more about the right to have your voice.”

Shira Haas


 

Sources :

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