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En Syrie, une paix impossible

En mars 2021, la Syrie a fêté un très sinistre anniversaire de son histoire : celui de la guerre civile qui continue à sévir, une décennie après l’arrivée du Printemps arabe dans le pays, et qui ne présente surtout aucune perspective de paix. Le Fénelon’ménal vous propose de revenir sur les origines de ce conflit pour mieux comprendre la situation aujourd’hui.



Cela fait maintenant plus de dix ans que la guerre a élu domicile en Syrie. En 2011, lorsque le mouvement du Printemps arabe arrive enfin, on aurait pu penser que le régime autoritaire de Bachar Al-Assad tomberait, mais dix ans après, le dirigeant à la main de fer règne toujours, sauf que son royaume se résume aujourd’hui à un champ de ruines.



Des manifestations anti-Assad à la guerre civile


Le conflit syrien débute, comme tant d'autres conflits avant lui, avec une vague de protestations. En mars 2011, des étudiants mécontents de la gouvernance de leur pays s’inspirent des mouvements alors en cours chez leurs voisins arabes et décident de manifester leur colère et leurs espoirs, d’abord sur les réseaux sociaux, puis dans les rues. Des marches sont rapidement organisées mais la répression ne tarde pas et de nombreux civils sont tués. C’est le cas de la ville de Hama où le 31 juillet, 140 hommes et femmes sont abattus par la police.


Ce cas-là est important car quelques jours plus tard, Riad el-Asaad, commandant des forces armées syriennes, déserte et fonde l’Armée syrienne libre. Cette organisation, aussi connue sous le nom d’ASL, devient très vite l’opposition principale au régime de Bachar Al-Assad et, bien qu’elle soit à grande majorité sunnite, son objectif premier n’est pas de nature religieuse. Il s’agit surtout de renverser le pouvoir en place et le remplacer par une démocratie.


En premier lieu, le conflit oppose donc le régime d’Al-Assad à l’ASL, qu’il traite de « rebelles », mais le chaos généré offre une occasion inespérée à des groupes islamistes souhaitant étendre leurs territoires sur le nord et l’ouest du pays. Parmi eux, l’État islamique d’Irak et le front Al-Nosra qui s’unissent en 2014 pour devenir l’État islamique en Irak et au Levant, aussi connu sous le nom de Daech.


Un nouvel acteur entre donc en jeu, mais le front opposant le régime syrien et les rebelles ne décroit pas, et ce sont donc les Unités de protection du peuple (YPG) à forte majorité kurde qui doivent se charger de repousser les forces islamistes avec l’aide d’une coalition internationale, menée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la France, qui intensifie particulièrement ses actions suite aux attentats du 13 novembre 2015.



Un bilan humain catastrophique


Dix ans après le début de la guerre, il est encore difficile de discerner une issue mais les chiffres, eux, ne manquent pas. En une décennie, entre 400 000 et 600 000 personnes ont péri, dont un quart tué par le régime syrien, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme, basé à Londres.

L’usage de l’arme chimique a également marqué les esprits et ôté la vie de milliers d’individus, très souvent des civils. En 2013, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France ont même décider d’organiser une mission militaire « punitive » contre le régime d’Al-Assad, sans l’accord de l’ONU, mais Barack Obama y a finalement renoncé à la dernière minute afin de respecter le principe de multilatéralisme.


La question de la torture est, quant à elle, aussi sur la table. En 2017, des témoignages en provenance de la prison de Saidnaya ont profondément choqué la communauté internationale. Ce centre de détention militaire près de Damas est présenté par Amnesty International comme « un lieu où la torture est banale et où tout est pensé pour anéantir les détenus », avec des dizaines de prisonniers exécutés chaque jour.


Enfin, comme la crise migratoire de 2015 a pu le montrer, le conflit a causé une vague d’émigration sans précédent. On note la fuite de 22 millions de Syriens, soit la moitié de la population pré-guerre, et le décès de nombreux d’entre eux sur les routes vers l’Occident ou dans des camps en Turquie où les conditions humanitaires sont déplorables.


Une Kurde syrienne en mars 2015 © Yasin Akgul AFP

Aujourd’hui, une multitude d’alliances et d’acteurs sur place


Au cours des dernières années, de nombreuses victoires ont été revendiquées par le régime de Bachar Al-Assad, notamment à Alep, Raqqa et dans la Ghouta orientale, mais les différents acteurs du conflit sont toujours là.


Dans une grande majorité du pays, on trouve donc le régime syrien et ses alliés, l’Iran, le Hezbollah (milice chiite basée au Liban et opérant étroitement avec l’Iran), ainsi que la Russie très présente militairement, et la Chine jouant surtout d’un point de vue économique et diplomatique.


Les rebelles, eux, se trouvent majoritairement dans des régions du nord-ouest de la Syrie et au sud de Palmyre, leurs forces ayant perdu la Ghouta en 2018. L’opposition est un tissu extrêmement complexe de groupes parfois modérés, parfois radicaux, parfois engagés religieusement et parfois non, mais leur principal soutien reste encore et toujours la Turquie qui déclare vouloir accélérer le conflit pour éviter les vagues de migration qui les touchent en premier.


Depuis la chute de Raqqa en 2017, les possessions de l’État islamique à travers le pays ont connu un net déclin. En mars 2019, la prise de Baghouz, leur dernier bastion, marque la fin du califat, mais les combattants, eux, sont toujours présents dans le désert de Badia et au sein de cellules dormantes en Syrie et à l’international.


Enfin, la région du Rojava, au nord-est du pays, est, elle, sous contrôle kurde mais cette présence ne durera pas, étant donné que dès que les rebelles seront défaits, le régime syrien s’attaquera directement, et avec le soutien de la Turquie, à la minorité kurde que les deux pays discriminent depuis de longues années.



Carte du conflit syrien en 2018

Une paix difficile et peut-être même impossible


Le conflit syrien dure maintenant plus de dix ans et, bien que Daech semble avoir été détruit ou du moins fortement affaibli, la paix n’est pas à portée de vue. En effet, de nombreux cessez-le-feu ont été signés lors des différentes phases de la guerre, mais ceux-ci n’ont presque jamais été respectés. Une solution sur le long terme est donc demandée, mais la situation semble tout simplement être sans issue.


Trois diplomates des Nations Unies ont l’un après l’autre été chargés de développer un processus de paix durable, mais aucun d’entre eux n’a été à la hauteur. Lakhdar Brahimi a démissionné au bout de deux ans, alors que son prédécesseur Kofi Annan n’a tenu que cinq mois. Ban Ki-Moon, secrétaire général de l’ONU à l’époque a alors demandé à Staffan de Mistura de s’en occuper et, bien que celui-ci ait encouragé de nombreuses missions de cessez-le-feu et de désescalades de 2014 à 2018, il considère son bilan comme très mitigé car sans solution sur le long terme. Lors de sa dernière allocution devant le Conseil de sécurité de l’ONU, il affirme qu’il « regrette profondément ce qui n’a pas été fait », avant d’ajouter que « le Conseil de sécurité devrait également partager ce regret ».


À travers cette déclaration, il souligne, en fait, l’inaction du Conseil de sécurité qui, depuis le début du conflit, ne parvient pas à s’entendre sur des sanctions ou une solution, ce qui n’est pas si surprenant, si l’on compte le droit de véto maintes fois utilisé par la Russie et la Chine, alliées de Bachar Al-Assad.


Fin février 2021, le Royaume-Uni a tenté de faire passer un texte avec deux objectifs. Le premier, revoir la Constitution syrienne de 2012 et potentiellement la démocratiser ; et le deuxième, organiser des élections sous la supervision de l’ONU. Cette tentative a malheureusement échoué, suscitant la colère de nombreux États, dont plusieurs de l’Union européenne. L’Estonie, membre non-permanent du Conseil de sécurité, a même affirmé par le biais de son ambassadeur à l’ONU qu’il « était clair pour tout le monde que le gouvernement syrien a profité des réunions pour retarder toute véritable réconciliation, détournant l’attention d’autres problèmes en suspens ».



Un avenir incertain


Aujourd’hui, deux crises aux impacts désastreux se sont jointes au reste. Tout d’abord, une crise de nature économique avec la livre syrienne qui a perdu 98% de sa valeur depuis le début du conflit, détruisant ainsi le pouvoir d’achat des habitants et les plongeant dans une misère toujours plus importante. À cela s’ajoute la crise de la Covid-19 qui a entraîné une fermeture complète des frontières et un ralentissement massif des opérations militaires et humanitaires sur place.


Bachar Al-Assad règne donc toujours sur la Syrie, mais de ce pays jadis considéré comme une des « perles de l’Orient » il ne reste plus que des ruines et des vies brisées. La paix n’est donc qu’un maigre projet qui se transforme en rêve toujours plus lointain jour après jour.



 

Sources :

  • Arte, « Syrie, dix ans de guerre : chronologie du conflit », Mathieu Boch et Hanna Peters, 2019

  • Le Point, « Syrie : dix ans après le début de la guerre, l’ONU toujours paralysée », AFP Nations Unies, 10 février 2021

  • Le Point, « Dix ans de guerre en Syrie et pas de paix en vue », AFP Beyrouth, 8 mars 2021

  • La Croix, « Syrie, les coulisses d’une paix impossible », Marianne Meunier, 14 mars 2021

  • France 24, « Guerre en Syrie : le conflit en dix dates », David Rich, mars 2021

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