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Notre système d'éducation est défaillant

Dernière mise à jour : 8 mars 2021

Lettre ouverte


« L’école prépare les enfants à vivre dans un monde qui n’existe pas », disait Albert Camus. Son constat est de plus en plus d’actualité. Le système éducatif d'aujourd’hui, formaté de règles, de schémas nuisibles et limitants, forme les jeunes à un même moule conforme à une époque qui est révolue.


Je ne néglige en aucun cas la chance que nous avons d’aller chaque jour à l’école et de bénéficier d’une éducation solide. Hors de la France, ce sont environ 258 millions d’enfants et de jeunes qui ne sont pas scolarisés en 2018, selon les données de l’ISU (Institut de statistique de UNESCO). Dans les pays occidentaux, aller étudier chaque jour est considéré comme banal, presque ennuyant, alors que dans certains États, plus pauvres, c’est un véritable luxe dont tout le monde ne peut pas bénéficier. Apprendre est évidemment fondamental et nous connaissons tous l’importance de l’éducation dans la construction de soi. Mais il est temps de mettre des mots sur la défaillance d’un système qui n’est plus adapté à une époque basée sur la modernisation, l’évolution et le progrès.


Pour mieux comprendre l’obsolescence du modèle éducatif, il convient de se replonger dans la France du XIXème siècle. Ce n’est qu’à cette époque que l’école devient obligatoire pour tous, et que ce système – toujours d’actualité – est conçu pour les besoins de ce schéma de société. À cette époque, l’école doit répondre aux attentes de l’industrialisation grandissante, et le système scolaire est calqué sur celui des usines. Cela est fait dans le but de concevoir les travailleurs de demain pour la plupart ouvriers dans de grandes industries, contraints d’obéir sans poser de questions. Cependant si le monde a changé, le système éducatif ne l’a pas suivi. Une problématique émerge alors : pourquoi ce système éducatif a-t-il si peu évolué ?

En effet, presque tous les domaines ont depuis connu d’importantes évolutions, que ce soit dans le secteur de la médecine, de la science, de l’industrie, de la technologie… à l’exception du modèle d’éducation qui n’a subi que de simples mutations, là où il aurait dû connaître une véritable révolution. Malgré des efforts consentis par les gouvernements successifs, les simples réformes paraissent insuffisantes.


L'école du XXIe siècle se présente toujours comme un système unique destiné à plusieurs millions de jeunes aux profils divers et variés. Face à cela, les étudiants ne sont pas considérés comme des individus complexes et intéressants qui possèdent des talents propres et des capacités auxquelles il est indispensable de s’intéresser afin de les développer, mais comme des « êtres apprenants » qui doivent se soumettre à un modèle éducatif qui standardise les élèves pour les faire rentrer dans un moule unique. L’éducation est une force dont nous avons la chance de bénéficier. Elle est vouée à nous préparer pour le futur, à former les travailleurs de demain. Mais en réalité, le monde change et avance parallèlement à un système éducatif en retard.


Présentées comme la quatrième révolution industrielle, la mécanisation et l’automatisation de la société remettent en cause l’avenir du travail, au cœur des débats mondiaux depuis quelques années. Le Forum Économique Mondial (World Economic Forum) s’est exprimé sur le sujet en 2017 en mettant en garde contre une conséquence de la digitalisation et de la modernisation de notre société : la pénurie des compétences.

L’émergence de nouvelles formes de technologies avec l’avènement du capitalisme, comme l’intelligence artificielle et la robotisation, tous deux capables de bien mieux accomplir des taches exécutées précédemment par des humains, doit nous faire prendre conscience que vouloir lutter contre des machines est un combat perdu d’avance.


Différents rapports, comme celui de l’Université d’Oxford (« The Future of Employment How Susceptible are Jobs to Computerization ») rédigé par Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne, soulignent que cette révolution pourrait affecter environ 50% des emplois.


Les aptitudes mathématiques, techniques, manuelles ou analytiques que l’on nous enseigne, se feront demain par des machines des millions de fois plus puissantes et rapides que l’Homme. La seule chose qui nous différenciera de ces ordinateurs surpuissants sera nos simples qualités humaines qu’ils ne pourront jamais acquérir : l’instinct et la créativité. L’école a pour vocation de préparer et projeter ses élèves dans le monde de demain mais semble omettre le développement des compétences intuitives, pourtant essentielles pour le futur. L’auteur britannique et expert en éducation Ken Robinson conclut que, par un modèle qui repose sur la culture intellectuelle d’un siècle passé, les étudiants se retrouvent embarqués dans une boucle infernale de la frustration, celle de ne pas avoir le choix. Malheureusement, beaucoup d’étudiants ont une impression de perte de temps ou d’ennui.


Chaque élève possède un potentiel propre et, au lieu d’offrir à chacun la possibilité de l’exploiter, l’école les abandonne à un système formaté et obsolète. Outre le fait que ce modèle ne prépare pas les générations futures au monde de demain en évolution perpétuelle, un modèle comme celui-ci nous pousse à la compétition plutôt qu’à la collaboration.


La valeur de chacun est conditionnée au système de notation, de simples chiffres qui définissent son rang au sein d’une classe ou d’un établissement. Quand les élèves ne rentrent pas dans les normes, dans la moyenne, certains se retrouvent vite découragés et cela à un lourd impact sur la motivation, avec comme conséquence directe, le décrochage scolaire. Les étudiants se retrouvent sous pression dans cette quête des meilleures notes possibles puisqu’elles déterminent leur orientation et donc leur avenir.

Certains élèves pensent tristement que leurs notes reflètent leur intelligence ou, inversement, leurs défaillances intellectuelles, car elles évaluent leurs compétences et l’application des connaissances... ce qui reste particulièrement restrictif. Howard Gardner, psychologue, est spécialisé sur la théorie des intelligences multiples et en distingue neuf différentes qui constituent les forces et faiblesses des individus et prouve que chacun d’eux peut s’identifier dans l’une d’elles... mais notre système n’en prend pas compte. Il met en garde contre un système fondé sur une concurrence permanente assortie d’un programme unique comme celui-ci, qui mène à la perte d’une partie des élèves, et cela impacte directement la société de demain dont les étudiants sont les acteurs.


« L’éducation est l’arme la plus puissante que l’on puisse utiliser pour changer le monde », déclarait Nelson Mandela. De fait, il semble urgent de réviser profondément le système scolaire en crise qui se doit d’être un miroir d’un monde en profonde mutation. Certains diront que je suis un rêveur, mais je crois toujours au changement et à l’évolution : la société du XXIe siècle demande des systèmes éducatifs et culturels dynamiques et stimulants qui doivent nourrir la prise de confiance et la découverte de soi, et permettre une exploration créative et une éducation adaptée à chacun.

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