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Lutter pour protéger son identité, une affaire d’opprimés ?

Dernière mise à jour : 20 juin 2021

Quels sont les traits qui façonnent une identité, sinon une appartenance à une religion, une culture, un sexe ou encore une couleur de peau ?Celle-ci nous est propre et unique parce que le croisement des caractéristiques énoncées précédemmentdiffère pour chacun. Mais qu’arrive-il lorsque les traits qui définissentcette identité sont attaqués et réprimés ? Nous ne nous tournons instinctivement pas vers ceux dont l’identité s’approche le plus de celles de nos oppresseurs, de nos « dominants ». C’est alorsavec nos paires, ceux qui semblent être les seuls à être en mesure de nous comprendre parce que « opprimés » aussi, que nous nousreplions.



Quelques définitions pour ne pas confondre certaines notions


Racisme


Le racisme est une idéologie établissant une hiérarchie entre les Hommes selon des caractéristiques ethniques et raciales, mais aussi un comportement discriminatoire dont les victimes sont jugées comme inférieures.




















Racisé


Apparu pour la première fois en 1972 en sociologie, la notion caractérise une personne victime de discriminations raciales. Pour celles et ceux qui se sentent opprimés, il s’agit de mettre un mot pour les distinguer de ceux qui ne le sont pas. Pour d’autres français comme la philosophe Elisabeth Badinter, plus qu’un terme définissant un groupe de personnes opprimées et discriminées, la notion de « racisé » renvoie une fois encore à une forme de racisme : « La race partout ! Je pense que c’est la naissance d’un nouveau racisme. »


Réunions non-mixtes/racisés


Les réunions non-mixtes sont une forme de militantisme que la sociologue et militante féministe caractérise d’auto-émancipation, « la lutte par les opprimés pour les opprimés ». Cette forme de militantisme regroupe des personnes liées à la fois par un trait identitaire commun, et par le sentiment de subir des discriminations rattachées à leur caractéristique identitaire. Pour certains militants il s’agit d’un moyen de libérer leur parole et de penser des solutions contre ces oppressions dont ils sont victimes. Pour d’autres en revanche, défenseurs de l’universalité et de l’idée qu’une lutte doit se mener collectivement, les réunions racisées représentent une menace. Ils parlent alors de « repli communautaire », « d’idéologie dangereuse » et de « racisme à l’envers ».


Le communautarisme

Contrairement aux réunions non-mixtes, le communautarisme qui rassemble des individus d’une même appartenance, n’est pas une forme de militantisme. Il s’agit plutôt d’une idéologie pour qui « l'individu n'existe pas indépendamment de ses appartenances, qu'elles soient culturelles, ethniques, religieuses ou sociales ».





















Se réunir entre individus aux identités opprimées, une nouveauté ?

Les réunions non-mixtes ne datent pas d’hier. En effet, cette forme de militantisme est apparue d’abord aux Etats-Unis dans les années 60 lors de la lutte contre la ségrégation raciale, puis lui a succédé quelques années plus tard en France, le MLF (mouvement de libération des femmes). Tous deux mouvements historiques qui firent avancer les droits des noirs américains comme des femmes, ils sont un exemple de lutte sans mixité ayant fait progresser la condition de ces « opprimés ».


Parallèlement à la situation actuelle, cette forme de militantisme adoptée par les féministes, était vu par les hommes comme une forme de « sexisme à l’envers ». Aujourd’hui, les défenseurs des réunions non-mixtes usent d’un contre-argument qui accuse les identités dites « dominantes » de faire de même pour empêcher les opprimés de mener à bien leur lutte. L’enseignante et chercheuse en philosophie Elsa Dorlin parle d’inversion lexicale comme lors de la vague féministe des années 70 : « comme si les dominants pleuraient parce qu’ils étaient accusés de domination. ».


Pour l’historien François Durpaire, il ne s’agit pas d’une question de tolérer ou non les réunions non-mixtes, mais plutôt d’en mesurer et comprendre les enjeux, afin de les administrer justement avec un certain recul : « Il faut éviter de voir ce phénomène de manière émotionnelle et analyser les motivations de ses acteurs ».


Accepter des réunions racisées dans la mesure où les individus non concernés par la discrimination subie doivent rester silencieux, parce que blanc et pas noir ou encore athée et pas musulman ?

Tolérer les réunions racisées dans la mesure où les non opprimés ne sont que spectateurs, c’est ce que défend Audrey Pulvar (Parti socialiste) : « s’il se trouve que vient à cet atelier une femme blanche, un homme blanc, il n’est pas question de la ou le jeter dehors. En revanche, on peut lui demander de se taire, d’être spectatrice ou spectateur silencieux ». Seulement cela ne changerait en aucun cas le caractère racisé de cette forme de militantisme. Bien au contraire, cela continuerait d’affirmer encore plus les divisions identitaires au sein de la société. Enlever la voix à une personne qui souhaite défendre une identité simplement parce qu’elle ne subit pas les discriminations, revient à diviser en deux des militants qui luttent pour une cause commune : ceux qui sont légitimes de s’exprimer parce que « opprimés », et ceux qui le sont moins.

Alors est-ce plus efficace pour lutter contre toutes formes de discrimination, que le militantisme soit mené, voire intégralement effectué par ceux qui en sont victimes, ou bien lutter contre toute forme d’oppression identitaire est un devoir d’ordre universel et collectif ?

La réponse n’est pas évidente ; combattre le racisme, le sexisme, l’islamophobie ou encore l’homophobie à travers les réunions non-mixtes semble être davantage un pari risqué qu’une solution à ces enjeux sociaux. Ces derniers représentent une menace d’un repli identitaire qui pourrait amener à terme, à diviser encore plus profondément les populations. Cependant, l’histoire a prouvé que les militantismes non-mixtes ont eu des résultats concluants.

Le gouvernement a par ailleurs déjà pris des mesures pour contrôler les réunions non-mixtes. Le 1er avril 2020 a été adoptée dans le cadre du projet de loi sur le séparatisme, un amendement autorisant « la dissolution d’associations qui interdisent à une personne ou un groupe de personnes à raison de leur couleur, leur origine ou leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée de participer à une réunion ».


Pour mieux comprendre les enjeux du débat actuel lié à la question du repli communautaire et de ce que l’on vulgarise comme étant du « racisme à l’envers » :



 

Sources :


Articles du Monde :


sitographie :


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