top of page
Gabriel Bardon

Les français ont-ils encore confiance en la science ?

Dernière mise à jour : 8 mars 2021

Quel niveau de confiance accordons-nous à la parole de nos scientifiques ? En ce temps de pandémie, la science et les scientifiques ont été mis au premier plan, obligés de répondre à de multiples problématiques. La parole scientifique s’est mêlée à la parole politique à tel point que certains scientifiques se sont pris pour des hommes politiques et inversement. Or, les deux domaines doivent rester distincts car ils ont chacun leur rôle.



Voilà maintenant un an qui s’est écoulé depuis le début de la pandémie et celle-ci a provoqué un phénomène très particulier, explique Sébastien Treyer, directeur général de l’IDDRI (Institut du Développement Durable et des Relations Internationales). Les scientifiques, qui étaient en retrait jusque-là, ont été tout d’un coup projetés sur le devant de la scène. Cela a entraîné de nombreuses interrogations : Quelle valeur accorde-t-on à la parole scientifique ? Les scientifiques doivent ils décider des mesures à prendre ? Là où 91% de la population avait confiance en la science en 2019 (d’après Harris interactive), les sondages varient depuis le début de la pandémie. L’exemple parfait est le vaccin contre la Covid-19. Différentes entreprises à travers le monde ont entamé la course au vaccin menant à des erreurs, des faux espoirs et déceptions. Le bilan de ce combat est que 57% des français font confiance aux scientifiques pour dire la vérité sur le vaccin.



S’ajoutent à cela des scientifiques qui se sont pris pour des politiques. Didier Raoult en est un exemple. Son combat pour la chloroquine, plus qu’un combat scientifique, s’est transformé en combat politique. Il est important de faire la différence entre un scientifique, qui étudie une problématique et propose des solutions, et un homme politique, qui décide en jugeant les différentes solutions des mesures à mettre en place. Tout comme le politique n’est pas à même d’analyser de manière scientifique, le scientifique n’est pas à même de décider des possibles dispositions à prendre. Ce n’est pourtant pas ce que pensent les français dont 76% pensent que c’est aux scientifiques de dire quelles mesures doivent être prises pour lutter contre l’épidémie, et le gouvernement doit les appliquer le plus strictement possible. Face à cela, 24 % des français disent que c’est au gouvernement seul de décider des mesures qui doivent être prises pour lutter contre l’épidémie, même si elles ne sont pas en accord avec les mesures préconisées par les scientifiques.



La confiance à l’égard de la communauté scientifique et politique a évolué différemment. Concrètement, 68% des français ont confiance en les scientifiques qui conseillent le gouvernement, 91% en les médecins, 32% en le gouvernement et 34% en l’institution présidentielle. Le constat le plus flagrant est le manque de confiance placée dans le gouvernement et le président. Les scientifiques travaillant sur le vaccin ne sont pas épargnés. 1 français sur 2 avait l’intention de se faire vacciner le 26 janvier. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter depuis le 6 janvier mais cependant, cela montre une méfiance à l’égard du vaccin et par conséquent une certaine méfiance à l’égard des scientifiques. Malgré cette baisse de confiance, notamment chez les moins de 35 ans, les attentes restent très grandes pour cette science, sensée trouver les solutions à cette pandémie.



La pandémie a fait apparaitre un autre phénomène : l’ultracrépidarianisme, soit le fait que quelqu’un donne son avis sur un sujet sur lequel il n’a aucune compétence. Ainsi, les 66 millions de médecins français se sont exprimés à tort et à travers sur des sujets dont ils ne connaissaient rien. C’est une autre conséquence du manque de confiance en la science.

© Matyo

L’épidémie de Covid a engendré une désillusion face à la science. Autrefois, la science était perçue comme cet organe tout puissant qui détenait la vérité quasi absolue, nous dit le sociologue Dominique Wolton. Cette confiance abusive a entraîné des déceptions, notamment pendant la pandémie. Ces dernières n’avaient pas lieu d’être pour de simples raisons. D’un part, le scientifique par définition ne sait pas. Il cherche, il trouve, mais les sujets qu’il étudie sont parfois abstraits et il les étudie à la fois sur le court et le long terme, contrairement aux médecins qui agissent sur le coup. D’autre part, beaucoup croient que les scientifiques sont unanimes. Ils voient la science comme cette entité supérieure qui parle d’une seule voix et cela les rassure. C’est pourtant tout le contraire, nous avons pu le voir avec le professeur Raoult qui, au sein de la communauté scientifique, faisait l’objet de nombreuses controverses. Tout comme en politique, il y a une pluralité scientifique et c’est pour le mieux. En effet, car la science n’avancerait pas autant si les scientifiques ne se contredisaient pas sans arrêt, les inscitant sans cesse à pousser les recherches de plus en plus loin et à perfectionner leurs découvertes. Mais finalement, c’est aux hommes politiques de prendre la décision finale, aussi difficile que ce soit pour eux, ce n’est pas le rôle des scientifiques.



Pour cela, ils ne sont pas livrés à eux-mêmes. Certains croient que le gouvernement prend directement les mesures après avoir écouté les scientifiques dont l’entité principale en cette période de pandémie est le conseil scientifique. Or, ce n’est pas le cas. Il existe différentes institutions, dont beaucoup ignorent l’existence, servant à réguler et évaluer les choix scientifiques. L’Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) est une de ces institutions. À la suite d’enquêtes, d’études et d’évaluations, elle soumet au parlement toutes les solutions possibles et les problématiques et conséquences qu’elles peuvent entraîner, que ce soit d’un point de vue scientifique mais aussi social, économique, sociétal et bien d’autres. Elle sert de passerelle entre le gouvernement et la communauté scientifique.



Finalement, la science vient s’ajouter comme complément à la politique mais ne peut en assumer le rôle, tout comme la politique ne peut assumer le rôle des scientifiques. L’erreur est humaine ; les scientifiques et politiques ne font pas exception.


 

Sources :


« Décider n’est pas le rôle des scientifiques » , interview du sociologue Dominique Wolton par le Journal du CNRS :

Etude d’Harris interactive pour PMI sciences datant de juillet 2019 :

“La dimension politique de la parole des scientifiques est devenue évidente” par Sébastien Treyer, directeur général de l’IDDRI :

« Les Français ont-ils encore confiance dans la science ? » 27 avril 2020 :

« Covid-19 : une étude révèle que les Français font de moins en moins confiance à la science », par Antoine Jeuffin publié le 10 décembre 2020, France-Inter :

« Les résultats par vague » études réalisées par CEVIPOF

« En quoi les Français ont-ils confiance aujourd'hui ? » étude de CEVIPOF, de janvier 2019 :

« En quoi les Français ont-ils confiance aujourd'hui ? » étude de CEVIPOF, de février 2020 :

« En quoi les Français ont-ils confiance aujourd'hui ? » étude de CEVIPOF, d’avril 2020 :

« Baromètre Science et Société : les scientifiques de moins en moins épargnés par la défiance des Français » étude réalisé par l’IPSOS en octobre 2020 :

9 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Edition n°9

Édition 11

Édition 10

Comments


bottom of page