Les cinémas, comme les différents secteurs de la culture, se souviendront de l’année 2020 comme d’une année noire entre les confinements, le couvre-feu, l’absence de films à l’affiche… tellement noire que la fréquentation des salles n’a pas dépassé celle de 1921 quand le cinéma était encore à ses débuts. Voici les détails.
Les Français aiment aller au cinéma. Les Français aiment les avantages d’un grand écran, d’un meilleur son, d’une meilleure immersion, plus qu’aucun autre pays européen. Il suffit de constater l’implantation exceptionnelle des salles de cinéma sur le territoire français pour le comprendre : 80% des villes de moins de vingt mille habitants possèdent un cinéma. Les Français, d’où qu’ils viennent, ont tous un même engouement pour le grand écran. Le cinéma français présente une autre singularité par rapport au reste de l’Europe : ses salles proposent un affichage diversifié et relativement indépendante des films américains. Ces derniers ne représentent que 50% de l’affiche contre 35% à 40% de films français, tandis qu’ils accaparent 80% de l’affiche en Allemagne ou au Royaume-Uni.
Cette affection pour les cinémas semble s’accentuer davantage : l’année 2019 connaît un grand succès en étant la troisième année la plus importante en matière de spectateurs avec 213 millions d’entrées.
Il n’y avait pas de doutes quant au succès de l’année 2020.
Personne ne s’attendait à une pandémie mondiale, à un confinement de trois mois, à un couvre-feu à 21h puis à un nouveau confinement en octobre. Qui aurait cru que les salles de cinéma fassent un total de 64 millions d’entrées au lieu des 210 millions annoncées ?
Pourquoi un fossé de cette ampleur ? Pourquoi les salles ne sont-elles pas parvenues à rattraper une partie de leur retard quand elles en avaient le pouvoir de juin à octobre ?
Tout d’abord, l’ouverture des cinémas ne s’est pas faite début juin, au même moment que les théâtres. En effet, les cinémas avaient peur de manquer de films à l’affiche au cas où les distributeurs n’auraient pas pris le temps de planifier la publicité, la promotion et la sortie des films dans les villes. Les salles de cinéma restent dépendantes de la fréquentation des films américains, or, aucun blockbuster n’est sorti cet été mis-à-part Tenet de Christopher Nolan en août.
Les raisons ? Les grandes villes des Etats-Unis en matière de critiques de cinéma comme Los Angeles, Chicago et notamment New York ont fermé leurs cinémas. Or, les films ne peuvent bénéficier de la promotion faite par les talk-shows, les journaux, s’ils ne peuvent pas sortir en salle dans ces villes-clés. Ils restent invisibles. Ils restent invisibles aux Etats-Unis et il est inenvisageable pour eux de sortir à l’étranger. A cette explication s’ajoute une autre : les plateformes comme Disney, Amazon et désormais Warner redoutent une faible fréquentation et donc une faible rentabilité. Ils préfèrent sortir leurs films uniquement en streaming.
Un confinement de trois mois, une ouverture retardée, pas de films américains et un couvre-feu, autant d’éléments dont résulte une baisse de la fréquentation des salles de cinéma de 62%. Si les français conservent l’envie de se rassembler devant un grand écran - la dernière semaine avant le confinement d’octobre a compté trois millions de spectateurs grâce à l’unique présence des films français – le résultat est le même : les entrées de 2020 sont inférieures aux estimations de 80 millions d’entrées de 1921 alors que le cinéma était encore à ses bégaiements.
Les conséquences sont désastreuses pour l’économie du pays. Le cinéma est en effet une part importante de la culture. Or, la culture est la huitième économie du pays et un moteur pour les autres puisqu’elle possède la capacité de renforcer l’attractivité grâce aux bibliothèques, aux librairies, aux musées… C’est donc l’économie de la culture mais aussi les autres économies qui sont impactées par le milliard d’euros perdu par les salles de cinéma.
Les conséquences sont également désastreuses pour l’avenir du grand écran. Le centre national du cinéma (CNC) qui apporte un soutien financier aux producteurs, aux scénaristes, aux réalisateurs, en bref, aux différents secteurs du cinéma, fonctionne en partie grâce aux publicités de la télévision et en partie grâce à la billetterie des salles. C’est pourquoi le chiffre d’affaire perdu par les salles de cinéma est catastrophique : le CNC ne va pas bénéficier de 150 millions d’euros cette année mais de seulement 47 millions, or, pas de subventions sans argent et pas de films sans subventions. Sera-t-il alors possible de réaliser des films l’année prochaine ? Les salles auront-elles suffisamment de moyens pour continuer à subsister ?
Malgré le fait que le premier ministre Jean Castex ait reporté l’ouverture des salles de cinéma à un hypothétique 7 janvier, et une forte aide financière de la part de l’Etat, l’avenir parait terriblement incertain!
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