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La grâce présidentielle en France et dans le monde

Dernière mise à jour : 8 mars 2021

La grâce présidentielle, pouvoir en place depuis plusieurs siècles en France, aujourd’hui mise en valeur par les médias, devient source de débats. Mais qu’est-ce que la grâce présidentielle ? Que fait-elle et pourquoi engendre-t-elle tant de polémiques ?



Grâce présidentielle et amnistie

Alfred Dreyfus, le maréchal Pétain, Omar Raddad. Ces trois hommes ne se sont certes jamais rencontrés et n’ont pas vécu à la même époque, mais ils ont tous les trois un point commun : ils ont été l’objet d’une grâce octroyée par le président au pouvoir à l’époque.

« Le président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel ». C’est écrit noir sur blanc dans l’article 17 de la Constitution française. Remontant jusqu’à l’Ancien Régime, la grâce présidentielle est un acte réservé au chef de l’État qui peut, s’il le juge juste ou nécessaire, réduire ou supprimer la peine d’un condamné.

Mais, attention, il ne faut pas confondre la grâce présidentielle avec sa sœur, l’amnistie. Si elles présentent, en effet, des résultats similaires, elles possèdent malgré tout quelques différences sur le plan pénal. Alors que l’amnistie efface la condamnation du casier judiciaire de l’individu, la grâce, elle, ne fait que suspendre la peine. L’amnistie semble donc plus puissante, mais il faut noter qu’elle doit être validée par vote du Parlement, contrairement à la grâce qui peut être utilisée sur simple volonté du président.



Un pouvoir répandu dans le monde entier

La grâce présidentielle pourrait passer comme un acte « arbitraire » de la part du chef de l’État qui peut gracier n’importe qui, condamné à n’importe quelle peine, mais la France fait tout sauf exception. Cet acte est, en effet, présent dans la constitution d’un grand nombre de démocraties dans le monde.

Dans des États comme le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie ou Israël, le décret doit être validé par le ministre ou le responsable de la justice pour avoir lieu. En Allemagne, le droit de grâce est convocable à tous les niveaux (fédéral et régional), mais les crimes de nature « politique » ne peuvent être graciés que par le président de la République (et non le chancelier). Enfin, dans les régimes où, comme en France, le président a davantage de pouvoir (l’Inde, le Chili ou encore les États-Unis), gracier ne demande l’autorisation de personne, ce qui explique en partie pourquoi elle ouvre si facilement au débat.


Un pardon parfois polémique

Si l’on observe l’évolution du nombre de grâces depuis les années 70 (cf document), on se rend compte qu’elles sont passées de 9 433, sous le général de Gaulle, à 25 sous François Hollande. La raison ? La grâce présidentielle a perdu une partie de son importance, premièrement suite aux débats et à l’abolition de la peine de mort sous François Mitterrand (en 1981), mais surtout parce qu’il s’agit d’un pouvoir qui fait polémique.


Lors des quelques derniers mois de son mandat, Donald Trump a gracié plusieurs dizaines de personnes particulièrement proches de lui et de ses affaires, en plus du rappeur pro-Trump Lil Wayne. On se rend alors compte que la grâce est bien plus qu’un simple pouvoir pénal : c’est un acte politique.

En 2006, Nicolas Sarkozy promettait de « supprimer le droit de grâce et l’amnistie », s’il était élu président, et François Hollande, alors premier secrétaire du Parti Socialiste, de procéder à « la suppression de la possibilité de grâce du président de la République ». Bien que les deux hommes politiques aient accès à l’Élysée, leurs promesses n’ont jamais été tenues. En 2016, le prédécesseur d’Emmanuel Macron a même fait la une des journaux en graciant Jacqueline Sauvage, condamnée à dix ans d’emprisonnement pour le meurtre de son violent mari.

La question se pose alors : gracier, ou ne pas gracier ?



Tribunes


POUR

Le terme de grâce rappelle une autorité sacrée. Elle peut donc être perçue comme peu démocratique, voire même anachronique. Mais dans le contexte d’un régime semi-présidentiel comme celui de la cinquième République, le droit de grâce prévu par l’article 17 de la Constitution n’est pas si incongru. La grâce ne réduit, en effet, pas à néant la responsabilité, la culpabilité ou la condamnation, et ne va pas à l’encontre du principe de séparation des pouvoirs. La volonté judiciaire n’est pas ignorée. La grâce se contente d’alléger voire de supprimer la peine, ce qui est autre chose. Les grâces présidentielles collectives traditionnellement prononcées le 14 juillet pour une série de petites infractions, qui envoyaient un message de laxisme déplacé, ont été supprimées en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La grâce présidentielle peut par ailleurs offrir un dernier recours pour l’accusé, victime d’une erreur judiciaire. Alfred Dreyfus fut ainsi gracié le 19 septembre 1899 par le président Émile Loubet. La grâce présidentielle qui n’interviendra que dix ans après le début de l’affaire, bénéficia à l’officier injustement condamné. Le chef de l’État avait hésité à faire cette demande de grâce car cela entrainait une reconnaissance implicite de culpabilité. Et pour un exemple plus récent, il y a quelques années, François Hollande a gracié deux fois Jacqueline Sauvage qui, victime de violences conjugales particulièrement sévères et répétées, avait fini par tuer son mari, et avait été condamnée. Cette grâce a reçu une grande publicité médiatique, ce qui a permis de faire avancer une cause importante : celle des femmes victimes de violences conjugales. La grâce présidentielle n’est donc ni inutile, ni anachronique. C’est une action bienvenue de souplesse et de respiration sociale, politique et institutionnelle.

Constance Adeline

CONTRE

Gracier ou ne pas gracier ? La réponse est, à mon avis, simple : ni l’un ni l’autre. Un président de la République ne doit, pour moi, pas avoir la possibilité de passer outre la justice et d’en annuler les décisions. Cette question est liée à celle de la peine de mort et l’éternel débat que celle-ci entraîne. Dans un pays comme la France où la peine de mort a été abolie depuis 40 ans, la grâce perd tout son sens. Cette dernière servait à sauver la vie aux criminel.le.s mais aujourd’hui elle ne sert que de pouvoir complètement arbitraire selon le bon vouloir du président. De quel droit le président de la République se place-t-il au-dessus des lois ? Ceux-là même qui défendent ce principe de grâce prônent une séparation des pouvoirs quand bien même la grâce renvoie un message contraire. Par cette grâce, le président obtient un rôle de second juge qui peut comme il le veut revoir le jugement d’un.e criminel.le. Si l’on pousse le raisonnement plus loin, cela impliquerait que la justice n’est pas à même de juger les criminel.le.s correctement et que quelqu’un doit passer derrière eux pour rectifier le travail. Le pouvoir exécutif, que représente le président de la République, ne doit pas se mêler des affaires des organes judiciaires. La justice, et la justice seule, peut décider de condamner ou non un criminel.le.s et il est pour moi impensable que quelqu’un d’extérieur à cette justice puisse interférer.


Gabriel Bardon


 

Sources :


« Qu’est-ce que la grâce présidentielle ? », Lucas Wicky pour Le Monde, 28 mai 2018


« Qu’est-ce qu’une grâce présidentielle ? », Service-Public.fr


« La grâce présidentielle, une exception française ? », Julien Duriez dans La Croix, 2 février 2016


« Trump grants full pardon to Russia probe figure George Papadopoulos”, Steve Holland pour Reuters, 23 décembre 2020


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