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Gabriel Bardon

Inde : démocratie ou non?

L’Inde, gigantesque pays réputé pour son sens de la démocratie, est-elle aussi démocratique qu’elle ne prétend l’être ? Pour tous, le régime politique en Inde semble être une république et pourtant c’est bien plus complexe que cela. Qu’est devenu la célèbre Inde de Nehru et de Gandhi d’un point de vue politique ?



Le 15 août 1947, l’Inde obtient enfin l’indépendance après de nombreux combats et une lutte acharnée dont les principales figures sont Gandhi et Nehru. Les Britanniques accordent l’indépendance à ce qui était autrefois “l’Empire des Indes” et qui se divise désormais en plusieurs pays. La toute jeune Inde rédige sa constitution en 1947 alors qu’en 1948, Gandhi est assassiné. Les premières élections se tiennent en 1952 et voient la victoire du parti du Congrès et de Nehru qui est nommé premier ministre (il l’était déjà mais le devient alors démocratiquement). C’est le début de 70 ans de démocratie. Aujourd’hui, depuis sa réélection en 2019, Narendra Modi est premier ministre et concentre tous les pouvoirs à la tête de son pays.Mais cette démocratie diffère de cellede Nehru.



« La  plus grande démocratie du monde »


L’Inde est souvent qualifiée de « plus grande démocratie du monde ». Mais l’est-elle réellement ? Dans le deuxième pays le plus peuplé du monde avec 1,3 milliards d’habitants dont 900 millions d’électeurs, une croissance économique qui tourne autour des 7%, où en est la démocratie ? D’un point de vue électoral, l’Inde a un statut très particulier. En effet, le nombre d’électeurs est considérable, par conséquent les élections se font sur une trentaine de jours. 1/5 de la population ne sachant ni lire ni écrire, l’Inde a recours à un système de symboles pour chaque parti. Dans ce sens, c’est en effet la « plus grande » démocratie. Les élections sont surveillées de très près pour éviter n’importe quelle fraude. Le système électoral est extrêmement codifié pour permettre à tout citoyen qui le peut et le veut, de voter.



Une idéologie nationaliste


L’Inde se compose d’une diversité aussi bien ethnique que religieuse. Même si la majorité des Indiens sont hindous, il y a aussi beaucoup de musulmans (200 millions), de chrétiens, de bouddhistes, d’athées et bien d’autres. Cependant, ces différentes religions ne s’entendent pas très bien entre elles. Le premier ministre Modi, lui, clame une doctrine nationaliste hindou, c’est-à-dire qu’il pense que l’Inde doit être hindou et que les minorités religieuses, surtout les musulmans, sont reléguées à un statut de citoyen de seconde zone. Les citoyens de seconde zone représentent 15% de la population. Historiquement, les musulmans ont souvent été victimes de violences et de discriminations en Inde et encore plus aujourd’hui. Dans un pays déjà divisé en castes, les violences envers certaines minorités religieuses créent encore plus de groupes et divisent le pays.


Au commencement de la démocratie indienne, Nehru voulait une république laïque.

Il ne s’agit pas là de la laïcité comme on l’entend en France, c’est-à-dire une séparation de l’Etat et des religions, mais une équidistance entre chaque religion et l’Etat. En cela, Modi rompt avec cette Inde laïque que voulait Nehru en instaurant son idéologie : l’Hindutva (l’hindouïté). Par exemple, les manuels scolaires ont été modifiés, hindouisés. « Il y a une hindouisation, une extermination même des esprits » dit Ingrid Therwath, enseignante et chercheuse, spécialiste de l’Inde.



Le pouvoir personnifié


Le pouvoir en Inde est incarné par un seul homme, un homme fort, Modi. Peu d’indiens connaissent d’autres figures politiques en Inde tout comme d’un point de vue étranger, nous ne connaissons que peu, voire pas d’autres figures politiques indiennes. Narendra Modi incarne à lui seul le gouvernement et le pouvoir en Inde en se comportant comme un populiste. Concrètement, lorsqu’il fait une conférence de presse, il ne répond pas aux questions des journalistes, il s’adresse au peuple directement. Le leader charismatique parvient à toucher les pauvres et les paysans en faisant appel à leurs émotions et leur mépris pour les élites riches. Ses meetings sont gigantesques, il est perçu comme la seule et unique figure du pouvoir indien.



Une presse limitée


Avec l’arrivée au pouvoir de Modi, l’Inde a vu ses libertés individuelles de plus en plus restreintes. La liberté de la presse en est un parfait exemple. En effet, premier pays sur 180 par Reporter sans frontières pour la liberté de la presse, L’Inde a vu mourir six de ses journalistes depuis 2018.Ces derniers, dès qu’ils émettent un avis contre le régime, sont muselés. Le gouvernement possède tout un arsenal légal avec la loi sur la sédition, la diffamation ou le contre-terrorisme qu’il utilise pour inculper et condamner des journalistes, des étudiants ou des intellectuels qui ne seraient pas d’accord avec la politique de Modi. Les rédactions sont harcelées légalement, sur les réseaux sociaux. La liberté de la presse en Inde n’est alors pas totale.



La crise du Covid-19


Comme toujours, les crises font ressortir le meilleur comme le pire en nous. Dans le cas de l’Inde, l’épidémie a eu un impact désastreux sur le pays. D’un point de vue sanitaire, l’Inde connait des flambées successives très violentes. Le pouvoir avait confiné de manière extrêmement stricte en mars dernier pour tenter d’endiguer l’épidémie mais suite au déconfinement, les mesures sanitaires ont été assouplies. Le 19 avril, 259 000 nouveaux cas et 1 761 décès ont été déclarés, des chiffres en hausse depuis mi-mars. L’économie qui enregistrait une hausse de 4%, en baisse par rapport à l’année précédente (8%), s’est effondrée. Le pays connait une pénurie de vaccins alors même qu’elle est le premier producteur du vaccin Astra Zeneca. L’Inde subit en ce moment les effets du relâchement des mesures sanitaires de ces dernier mois.


Inde : démocratie ou non ? La réponse n’est pas si simple. L’apparition de phénomènes anti-démocratiques au sein du pouvoir indien inquiète beaucoupquelques indiens et pays de la communauté internationale. Le danger pour certains experts réside dans la personne de Narendra Modi qui semble incarner de plus en plus un souverain aux pouvoirs sans limites, en un mot:un autocrate. En tout cas, la « plus grande démocratie au monde » semble être ébranlée par la crise du Covid-19...



 

Sources :


Le monde, « La démocratie indienne à la dérive »

Les Echos, « L'inquiétante dérive de la démocratie indienne »

Le monde, « L’Inde est-elle vraiment la plus grande démocratie du monde ? »

Ingrid Therwath - L'Inde est-elle la plus grande démocratie ? Experts du Dessous des Cartes | ARTE

RSF, Classement mondial de la liberté de la presse 2021

Le point, « Narendra Modi, plus que jamais l'homme fort d'une "nouvelle Inde" »

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