En France, Jean-Paul Sartre est un des représentants les plus éminents de l’existentialisme laïque. Il tente d’expliquer sa philosophie de la manière la plus simple possible dans une conférence qu’il donne à la Sorbonne en octobre 1945, intitulée L’existentialisme est un humanisme. Le Fénelon’ménal vous propose une explication simple et rapide de sa pensée à travers quatre citations, toutes tirées du compte-rendu de cette conférence.
1. « L’existence précède l’essence »
Cette citation peut résumer à elle seule l’existentialisme sartrien, bien qu’il ne doive pas y être réduit. Il est important d’en comprendre les termes. L’essence peut se définir comme étant la nature propre d’une chose, ce qui la constitue de manière fondamentale (Dicophilo).
Afin de mieux comprendre, prenons l’exemple du coupe-papier, donné par Sartre lui-même. La fonction du coupe-papier est inscrite jusque dans son nom : quelle autre utilité pour un coupe-papier que de précisément couper du papier ? Aucune ! Il a été conçu par son créateur (ici, un humain) pour répondre à un besoin bien précis. Le créateur a ici pensé la fonction du coupe-papier avant de lui donner forme, avant qu’il ne passe de l’état d’idée (dans son cerveau) à un état matériel (que nous pouvons voir, toucher…).
Pour Sartre, philosophe athée, personne n’est à l’initiative de l’humanité, et la vie aurait très bien pu ne pas être. Cette idée s’oppose donc aux chrétiens, pour qui la vie sur Terre a un sens, et est voulue par Dieu. L’humanité, n’ayant pas de créateur, n’a pas de fonction précise, n’a pas de sens prédéterminé : elle n’a pas d’essence prédéfinie.
Ainsi, chez l’humain, « L’existence précède l’essence ». C’est-à-dire que vous existez avant d’avoir un sens à votre vie. L’idée de Sartre, c’est que vous allez construire le sens de votre propre vie. Vous ne le trouverez pas par miracle, au bout d’une quête initiatique ou enfoui au fond de vous-même. Vous pouvez donc vous choisir, construire votre être avec vos actions, et avec la projection de vos actions.
2. « L’homme est condamné à être libre » : Vous pouvez faire tout ce que vous voulez, vous n’en êtes pas moins responsable.
Votre vie désormais libérées de tout sens prédéterminé, vous êtes libre. Libre, parce que vous possédez une conscience, qui vous permet de choisir, toujours. C’est pourquoi vous êtes « condamné à être libre ». De cette liberté totale découle une responsabilité totale. Et en ceci, la philosophie sartrienne peut être reliée au thème de l’année de Fénelon.
3. Si vous le niez, vous êtes de « mauvaise foi ».
Il est possible qu’à ce stade de l’explication, vous commenciez à opposer une certaine résistance à la philosophie de Sartre. Peut-être même que vous réfutiez complètement cette totale liberté en vous exclamant : « Mais c’est faux ! Il y a des contraintes extérieures qui m’empêchent de m’accomplir, de faire ce que je veux ! Mes parents, mon milieu social, ma santé… Il y a des choses avec lesquelles je nais, et dont je ne peux pas me débarrasser ». À ceci, Sartre répondrait que vous faites preuve d’une terrible « mauvaise foi ».
Sartre n’est pas un Zola qui base les drames de ses romans sur l’hérédité. Le philosophe ne nie pas l’existence de ce qu’il appelle des « contraintes ». Il ne nie cependant pas que notre milieu social, notre genre nous conditionne plus ou moins. Mais pour Sartre, invoquer ces « excuses » pour justifier notre inaction relève de la mauvaise foi. Il est cependant normal d’adopter cette attitude face au vertige que nous procure cette liberté et ces responsabilités. Si vous vivez une situation malheureuse depuis plusieurs années, il vous est compliqué d’admettre que c’est de votre faute, que ce malheur n’est pas indépendant de votre volonté. Si votre grand-mère meurt et que vous faites votre deuil en refusant de sortir de chez vous pendant cinq ans, il vous sera compliqué de reconnaitre que la cause de votre malheur ne résulte pas de la mort de votre grand-mère, mais bien du choix de vous enfermer.
4. « L’homme est responsable de ce qu’il est ».
Ainsi, en étant libre, en ayant le pouvoir de choisir vous-même le sens de votre vie, Sartre vous invite à l’action. Qu’est-ce qu’un individu, si ce ne sont ses actes ? Vous savez désormais que vous êtes libres. Il ne vous reste plus qu’à vous projeter dans le monde, à agir et à choisir votre essence !
Pour aller plus loin :
A lire : Jean-Paul SARTRE, L’existentialisme est un humanisme. Paris, éditions Nagel, 1946. Collection Pensées. 144 pages.
A voir : Le Coup de Phil' #4 - L'existentialisme de Sartre https://www.youtube.com/watch?v=1ngGLEtHpBQ
L'existentialisme de Sartre, entre dialectique et phénoménologie - 1 - Annick Stevens https://www.youtube.com/watch?v=xtX2FKqNccU
SARTRE - Nous sommes condamnés à être libres https://www.youtube.com/watch?v=xN0ysLkGiP8
Source de l'image de couverture : thefamouspeople.com
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