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Alix Condomines et Pia Damain-Lavalle

Interview : Dans l’ombre du cinéma, la classification des œuvres cinématographiques

Dans le contexte de la Covid-19, le monde du cinéma a été particulièrement touché et la production cinématographique ralentie. Alors que pour le public le cinéma en salle semble être de l’histoire ancienne, dans les coulisses, le travail continue. C’est le cas pour la Commission de classification des œuvres cinématographiques.

CSA jeunesse


Certains organes du CNC sont souvent mis dans l’ombre lors de la diffusion d’un film : ils n’en sont pas moins vitaux. De ce fait, pour mieux comprendre le processus de diffusion des films, nous sommes allées interviewer Pierre Chaintreuil, chef du service des visas français de la classification.



Comment définiriez-vous le rôle de la Commission de classification des œuvres cinématographiques ?


Cette commission fait partie du CNC, le Centre National du cinéma et de l’image animée. Le CNC est un service administratif créé en 1946 qui dépend du ministère de la Culture et possède le statut d’établissement public. Au sein du CNC, la commission a pour rôle de classifier les films en fonction des âges (tout public, moins de 18 ans, moins de 16 ans, moins de 12 ans et avertissement).



Quels films doivent passer par cette classification ?


Tous les films français et étrangers (longs, moyens et courts métrages) voulant être diffusés en salle puis à la télévision.



Qui s’occupe de la classification des films ?


La commission fonctionne en deux niveaux. Tout d’abord, une dizaine de bénévoles se réunissent tous les jours pour visionner les films candidats à la sortie en salle. Après débat, si au moins deux d’entre eux pensent que le film pose un problème pour ce qui est de la protection de l’enfance et de l’adolescence (violence, scènes sexuelles...), alors le film est envoyé vers une autre commission composée de vingt-sept membres. On y retrouve des membres des ministères concernés (Éducation nationale, Justice, Famille etc.) ou encore des experts, comme des éducateurs ou des spécialistes en pédopsychiatrie et des personnes travaillant dans le secteur du cinéma.



Y a-t-il une représentation équitable entre les membres de la commission ?

Oui, évidemment, c’est pour cela que des jeunes de 18 à 24 ans peuvent y participer. Il y a eu sur ce point une réelle évolution depuis la création de la commission.



Sur quels critères cette commission s’appuie-t-elle ?


Juridiquement, il n’y a aucuns critères. Une liberté totale est laissée aux membres. Il y a donc un équilibre entre protection des jeunes et liberté d’expression.



Si un film est considéré comme interdit aux moins de 18 ans, les créateurs peuvent-ils supprimer certaines scènes pour passer de nouveau devant la commission et ainsi changer la limite d'âge ?


Si un film a une interdiction, il va passer à la télévision à un horaire moins grand public et il sera acheté moins cher. Les diffuseurs veulent des films en “prime time” (partie des programmes de télévision correspondant au début de la soirée, heure de la plus grande écoute), sans interdiction, c’est à dire tout public, puisque cela fait plus de publicité. Un réalisateur dont le film est interdit aux moins de 12, 16 ou 18 ans peut alors, à son initiative, réaliser des coupes pour présenter de nouveau son film à la commission. Il faut cependant noter que les réalisateurs sont souvent avares sur les coupes et la commission ne change parfois pas d’avis.



De nos jours, de plus en plus de plateformes diffusent des films sans passer par les salles de cinémas. Comment vous positionnez-vous par rapport à cela ?


Je pense que le cinéma ne va pas disparaitre, il y a de l’espoir... Les chaînes comme TF1, Canal + etc. payent des redevances au CNC. Ce n’est pas le cas des plateformes comme Netflix, OCS, Disney +…. Je n’ai rien contre ces plateformes mais le CNC voudrait qu’elles donnent elles aussi des comptes de soutien. De plus, elles ne remplaceront jamais le plaisir d’aller voir un film en salle, en famille ou entre amis.



Est-ce que la classification de films se fait de la même manière dans les autres pays européens ?


Les systèmes de classification peuvent être différents selon les pays et leurs cultures. Par exemple, le film Les Visiteurs qui est une comédie tout public en France, a été interdit aux moins de 15 ans en Grande-Bretagne pour langage cru.



Est-ce que la commission se nommait, à sa création, “La Commission de censure” ? Si oui, quand est-ce que le nom et le regard sur cette commission ont-ils changé ?


Non, elle ne s’est jamais appelée de cette façon. Mais en 1919, il y a eu une première commission qui était de l’ordre de la censure pour des raisons d’ordre moral, religieux, politique. Ce sont aujourd’hui des critères oubliés. Néanmoins, elle ne s’est jamais présentée comme une commission de censure mais la plupart des gens la voient comme cela. C’est une idée fausse de la part du public puisque ce serait lorsque la commission couperait un film sans l’accord de ses créateurs qu’on parlerait de censure. Et comme ce n’est jamais arrivé, on ne peut pas parler de censure.



Sur ce, si vous voulez des précisions sur cette commission, allez sur le site du CNC. En attendant, nous avons tous hâte de retourner au cinéma !



 

Sources :


Interview d’un membre de la Commissionde classification des œuvres cinématographiques

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