Ces derniers temps une proposition de loi LREM relative à la sécurité globale fait beaucoup débat, ses défenseurs à l’assemblée souhaitent « protéger ceux qui nous protègent », ses opposants la qualifie de « liberticide » et ayant pour unique fin « d’attenter à la liberté d’informer des journalistes et des citoyens. » Comme pour tout sujet polémique, la place publique s’est hâtivement saisie du débat, de nombreuses manifestations ont pris place à Paris et le sujet a envahi les médias ;mais que savez-vous vraiment de la loi « sécurité globale » et de ses enjeux ?
Affiche contre la loi « sécurité globale » lors d’une manifestation, le 28 novembre, à Paris
@le_Parisien - Twitter
Quel est l’objectif de cette loi ? Qui concerne-t-elle ? Ces craintes sont-elles justifiées ? Cet article est là pour vous répondre.
Il est important de savoir que ce qui fait particulièrement débat dans cette loi est l’article 24. Celui-ci punit d’un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende la diffusion d’éléments pouvant permettre l’identification d’agents de l’ordre national. Cela concerne les agents de la police national ou municipal et les militaires de la gendarmerie nationale. Cette article interdit donc la diffusion de toutes éléments (autre que leur numéro d’identification) permettant leur identification dans le but manifeste de porter atteinte à leur intégrité physique ou mentale. Filmer un policier n’est donc pas interdit et seul un magistrat peut légalement juger du caractère manifestement malveillant d’une diffusion.
Le but de la loi n’est donc pas de créer un état autoritaire mais de protéger les policiers dans un contexte de haine grandissante envers la police.
Mais certains voient un sens au-delà du texte et craignent une impunité de la police et donc l’avènement d’une répression policière plus brutale. Libération dans un article nommé L’article 24 de la future loi « sécurité globale » menace la liberté d’informer explique : « Il y a fort à craindre en effet que sur le terrain, les policiers, qui s’opposent déjà bien souvent, y compris par la force aux captations photos et vidéos – pourtant bien légales – de leurs opérations dans l’espace public, se sentent plus fondés que jamais à les entraver. » Le problème de la répression policière est réel, mais il est légitime de se demander si son essence réside véritablement dans la loi, ou bien dans la police.
Malgré le peu de transparence de l’IGPN (la police des polices) sur les chiffres des victimes de la police, il ne fait nul doute que les violences policières sont de plus en plus dénoncées dans un contexte de tension grandissante entre policiers et citoyens. Il est bon de rappeler que la police également, fait l’objet de nombreuses violences : 7399 agents blessés en opération en 2019, deux fois plus qu’il y a quinze ans, et des attaques de plus en plus effrénées comme à Herblay dans le Val-d’Oise le 7 octobre 2020 où deux policiers en surveillance ont été attaqués grièvement blessés par balle par des individus qui leur avaient volés leurs armes. Lors d’un entretien avec le média Brut, E. Macron défend que la police, à l’image de la société, comporte des violences mais qu’il n’existe pas de « violence consubstantielle à la police ».
Le Président expose l’injustice que subit la majorité des policiers par la généralisation des violences policières à l’institution et explique que les policiers ne sont pas dans un camp mais agissent dans le but de servir l’ordre public.
La question de la tension entre citoyen et policier est large, complexe et n’est pas nouvelle, la loi « sécurité globale » traduit-elle une avancée en ce sens ?
Sécurité et/ou liberté ?
« Ceux qui peuvent renoncer à la liberté
essentielle pour obtenir un peu
de sécurité temporaire,
ne méritent ni la liberté ni la sécurité.
De la même manière que les débats autour de
la loi « sécurité globale », cette citation
de Benjamin Franklin soulève de
nombreuses questions autour de la liberté et
de la sécurité, particulièrement d’actualité
dans le contexte de terrorisme et de crise sanitaire.
Pour aller plus loin!
Pour philosopher un peu sur la notion de sécurité et liberté : https://www.youtube.com/watch?v=BT-ZsfT2Sn8
Tribune manifestant/policier
Les bonnes réponses
Une réponse proportionnée. Voilà tout ce que les manifestants demandent aux forces dites « de l’ordre » : mais de quel ordre parle-t-on ? La colère sociale, comme nous l’avons tous remarqué ces derniers temps, avec toutes ces manifestations, est montée en flèche. Mais vous me direz que si les Français descendent dans la rue pour chaque nouvelle loi proposée, on passerait notre vie à manifester (de toute façon c’est déjà le cas). Cependant, il faut rappeler que dans le cas présent, ce n’est pas la loi sécurité globale qui fait débat car celle-ci est nécessaire. En effet, il est complètement impensable qu’un pays ne protège pas sa police étant donné qu’elle « ne fait pas un métier facile ».
C’est le fait de dissimuler les actes des policiers qui frappent des manifestants, qui gêne, alors que, rappelons-le, l’entrave à la liberté d’expression est punie par l’article 431-1 du Code pénal depuis le 23 octobre 1935. L’article 24 va justement à l’encontre de ce principe et affirme que l’on ne peut plus diffuser le visage ou tout autre élément qui permet d’identifier un policier car cela porterait atteinte à son intégrité physique ou psychique. Ainsi, il n’y aurait plus de preuves contre ces policiers et c’est inacceptable*. Mais rassurez-vous je ne suis pas une de ces personnes qui pensent que les choses sont parfaitement pacifiques d’un côté et complètement condamnables de l’autre. Au contraire, je pense que les manifestants (ayant une vraie cause à défendre) et les forces de police doivent s’unir pour dénoncer ceux qui ne respectent pas les lois. Les casseurs, par exemple, pensent que détruire une Mercedes dans la rue leur permettra de changer le monde, mais ce n’est pas le cas. Finalement, je dirais que les deux types de comportements que je vous aie présenté sont tous les deux condamnables et je me permets de leur donner un conseil. Je conseille donc aux policiers de songer à une reconversion et aux casseurs de s’inscrire dans un cours de boxe. Mais si malheureusement, aucun des deux ne prend ses responsabilités, eh bien j’espère que notre système judiciaire fera, lui, son travail correctement.
Constance Adeline, journaliste du Fénelon’ménal et élève de première
*La rédaction du journal précise que l’article 24 n’empêche pas ces vidéos non-floutées d’être utilisé comme preuve au sein d’un tribunal. Il s’agit dans cette tribune de permettre à l’opinion public d’être un témoin supplémentaire.
Trouver les mots justes
Ces trois dernières années, les relations entre manifestants et forces de l’ordre se sont sérieusement dégradées. Les dernières manifestations ont fini de détériorer les rapports manifestants et policiers à tel point que désormais, on montre les manifestants comme les ennemis des policiers et inversement. Plus récemment, à la suite de plusieurs affaires de violence envers des civils, on a parlé de violence policière. Ce propos pour moi n’est pas approprié. En effet, tout comme on ne peut parler de violences manifestantes, le terme de violence policière ne peut être employé. De mon point de vue, la violence policière désigne une violence organisée par l’institution policière.
Or dans les récents incidents, ce sont des policiers qui ont commis ces violences et non la police. C’est pourquoi il faudrait parler de violences de policiers. Dans toute organisation ou institution il existe des dérives et des extrêmes et ceux-ci doivent être condamnés sévèrement. Cependant, on ne peut limiter cette organisation ou institution à ces extrêmes.
De même que l’on ne peut dire que tous les manifestants sont violents, il me semble absurde de réduire l’institution policière à ces quelques violences. Ce n’est pas pour autant qu’il ne faut pas revoir les relations entre les policiers et les manifestants en faisant évoluer les différentes mentalités des deux partis.
Gabriel Bardon, membre du comité de rédaction et élève de première
Derrière les médias télévisés : témoignage
Je suis la première à dire que les violences existent au cœur des manifestations, quel que soit le camp. Certes, les casseurs sont présents mais cela ne représente, en fait, qu’une minorité du groupe sur laquelle les médias se concentrent tous. Les vidéos circulent partout, que ce soit sur les réseaux sociaux ou à la télévision, mais en attendant, cela ne reflète pas la réalité. J’ai personnellement été à plusieurs manifestations et chacune d’entre elles étaient pacifiques. Pourtant, en rentrant chez moi, je ne voyais qu’une ferme condamnation des manifestants sur toutes les chaînes télé. On ignore le fait qu’une grande partie des violences sont d’origine policière et même si cela ne concerne bien évidemment pas l’intégralité de l’institution, il faut que la police s’engage à changer pour que les choses évoluent.
J’ai vu de mes propres yeux des personnes se faire agresser alors qu’elles n’avaient rien fait, et ensuite être accusés de diffamation lorsqu’elles tentaient de porter plainte auprès de ceux qui étaient censés nous protéger. Et au lieu de remplir leur rôle et informer de manière impartiale la population, les médias ne font qu’en remettre une couche et envenimer la situation. Enfin, on a tendance à sous-estimer le nombre de policiers sur place (trois pour un manifestant), ainsi que l’attitude qu’ils ont envers nous (ton agressif, insultes, réactions violentes…) Je n’accuse pas la Police, ni ceux qui ne partagent pas mes idées, mais il faut être sur place au lieu de le suivre via les médias pour réellement comprendre ce qu’il se passe.
Eloïse de Coupigny, élève de première
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